Les citoyens français d'origine asiatique dans le débat politique
Problématique synthétique L’immigration sera clairement au centre des débats des échéances électorales françaises de 2007-2008. Les thématiques communautaires et identitaires focaliseront sans doute l’attention, avec de vrais risques de tensions (« mauvaise conscience » du 21 avril 2002, traumas de la crise de novembre-décembre 2005, provocations, dérapages, surenchères, etc.). Il nous apparaît nécessaire d’alerter nos interlocuteurs sur la tactilité certaine qu’auront ces débats. Il est évident aujourd’hui que cette problématique se focalise autour de deux communautés : Les autres communautés peinent à faire entendre leurs voix – ou n’en éprouvent pas le besoin. La communauté asiatique de France, qui nous intéresse ici se caractérise par les traits suivants : La question posée est donc la suivante : Compte tenu de ces caractéristiques, comment faire entendre la voix de la communauté asiatique française lors des débats des échéances électorales françaises de 2007-2008 ? [1] Il n’existe pas de statistiques officielles classant les Français par pays d’origines. Seules existent des statistiques précises sur les populations d’immigrés. En 1999, on comptait près de 160 000 immigrés provenant du Cambodge, du Laos et du Vietnam contre près de 1.3 million provenant du Maghreb, et près de 394000 provenant du reste du continent africain… (Dernières statistiques disponibles : INSEE, Les immigrés en France – Edition 2005, fiches thématiques, pp. 48-49, http://www.insee.fr/fr/ppp/publications/collect_ref.asp?coll=13&paru=1&avis=2&pres=1).
« Points faibles » et « points forts » de la communauté asiatique de France à l’égard de la problématique
Nous synthétisons ici ce qui nous apparaît comme les traits caractéristiques de la communauté asiatique de France intéressant la réponse à la question posée en 1.
Ces remarques sont conçues à la suite d’un certain nombre de recherches et de plusieurs échanges (notamment en off avec des responsables politiques ou des cadres de partis politiques).
Les points faibles – ils sont, selon nous, au nombre de 3 (par ordre croissant de difficulté) :
· Une importante dispersion – Le témoignage d’un responsable d’association ainsi que les recherches que nous avons conduit nous-même, indiquent une grande dispersion de la représentation associative asiatique de France. Cela ne représente pour autant pas une difficulté majeure : la réunion d’un nombre minimal d’associations et la prise du leadership pourra produire un effet d’entraînement satisfaisant. Cette question réclame néanmoins une grande vigilance. Une cartographie de la communauté asiatique de France devra être dressée.
· Une communauté « sans histoire » – Le fait que la communauté asiatique de France soit perçue comme une communauté « sans histoire » (entendez « sans problèmes ») par les responsables politiques, la dessert dans sa revendication à une meilleure valorisation et à une meilleure représentativité : elle ne présente pas de « risques ». La logique compassionnelle alliée à la tactique électorale portent les responsables politiques à la survalorisation d’autres communautés jugées mal traitées.
· Une communauté « déjà acquise » – La plus grande difficulté que nous voyons à ce stade est la conviction dans laquelle semblent se trouver les responsables du parti politique UMP que la communauté asiatique de France est déjà acquise dans sa majorité au candidat Nicolas SARKOZY. M. Abderrahmane Dahmane, secrétaire national de l’UMP chargé des relations avec les associations des Français issus de l’immigration, a publiquement déclaré : « Cette communauté, qui fut victime du communisme et qui aime bien la fermeté, l’autorité, et la notion de chef, est acquise à 90% à Nicolas Sarkozy »[1]. Ce sentiment nous a été confirmé par un important responsable de ce parti, et laisse présager une faible réactivité à une nouvelle initiative pouvant être jugée inutile – sauf à ce qu’elle s’intègre dans une stratégie de communication de l’UMP (cf. page 6).
Les points forts – ils sont, selon nous, au nombre de 3 :
· Une communauté « exemplaire » – La communauté asiatique de France se fait particulièrement remarquer… par sa discrétion dans les chroniques de la délinquance française ou, par exemple, par le très faible nombre de ses membres dans les prisons françaises[2]. Sa discrétion, son légalisme, la place qu’elle accorde à la valeur travail, font partie des lieux communs positifs que l’on entend à son sujet. Nous croyons donc pouvoir affirmer la bonne réputation dont elle jouie dans la communauté nationale. Des exemples comme celui de Mlle Julia Wang (3 premiers prix et 1 deuxième prix au Concours général 2006) sont nombreux et participent à cette réputation d’exemplarité de la communauté asiatique de France[3]. Ceci représente un important atout, médiatique notamment.
· Une très forte solidarité – Là aussi, nous croyons pouvoir affirmer la forte solidarité qui anime la communauté asiatique de France, forgée notamment dans les drames qu’elle a connu par le passé et un dynamisme économique bien connu. C’est là un autre atout important dans la perspective de sa mobilisation.
· La concentration géographique – La communauté asiatique de France est caractérisée par une forte concentration dans quelques zones géographiques bien déterminées l’Ile de France (13ème arrondissement de Paris, Val-de-Marne, etc.) et le Sud de la France et surtout autour du bassin méditerranéen ( Marseille , Montpellier , Nice , Toulouse , …). Ce qui se traduit, pour elle, par un important moyen de pression sur quelques points de la carte des circonscriptions électorales. Il s’agit là de son principal atout, à condition que la communauté soit unie.
[1] Le Monde, 8 mars 2006.
[2] Nous rappelons qu’il n’existe aucune statistique en France basée sur l’appartenance communautaire. Cette dernière remarque est fondée sur le témoignage personnel d’un spécialiste de la question carcérale en France.
[3] Voir notamment Marianne, N° 482, 15 juillet 2006.